" C'est un spectacle fantastique. La couronne qu'on aperçoit derrière l'éclat de la Lune semble avoir trois dimensions" (N.Mailer, Bivouac sur la Lune)
Un spectacle fantastique... Ce sont les propres mots de Buzz Aldrin à Capcom, Houston, au quatrième matin, alors qu'Appolo et son LM poursuivent leur route solitaire vers la lune. Pour la première fois on sent l'émerveillement pointer dans le discours technologique.
"Et on dirait...poursuit-il, je crois que ce qui lui donne cet aspect à trois dimensions c'est le clair de Terre.Je vois très bien Tycho: en tout cas si je me mets à droite- je crois que c'est Tycho dans le clair de Lune, je veux dire dans le clair de Terre. Et bien sûr le ciel me paraît illuminé tout autour de la Lune"
Tycho, un cratère d'impact dans les montagnes lunaires du Sud qui aurait été "creusé", (selon les théoriciens de l'impact bien sûr, puisqu'il y a aussi des vulcanologues pour expliquer la présence des cratères à la surface de la Lune) par l'astéroïde Baptistina, peut-être coupable d'avoir provoqué sur la terre l'extinction des dinosaures.
Voila que la lune énorme remplit maintenant leur hublot circulaire, dans le halo encore plus gigantesque et éblouissant du soleil. Tous ses plateaux, déserts et cratères dans la lumière gris-bleutée du clair de Terre. " C'était un spectacle fantastique, fantastique comme une présence, fantastique comme une rive étrange et déserte, émergée soudain d'un rêve de ciel et de la surface vitreuse d'on ne sait quelles eaux."
Mais quelle face déchirée offre alors la vieille compagne des nuits: "Un visage si cruellement criblé d'acné [qui] aurait pu être celui d'un homme dont la peau était morte pour maintenir son coeur en vie", et s'ensuit sur près de deux pages une description apocalyptique à la Verseau, une description où s'accumulent les profondeurs, les poches, les rides, les brèches, les excroissances, les sommets, les dépressions , les corniches, les sillons, les crètes, les entailles, les terrasses et les cascades, les mers phosphorescentes...
Peut-être avait-elle ainsi été meurtrie, pense Verseau, en entrant il y a très longtemps dans la zone d'attraction de la terre, avait-elle ainsi eu "sa pellicule protectrice arrachée et tordue par les féroces marées de l'attraction terrestre"
Et après avoir reconnu non sans une certaine émotion tous les reliefs millénaires qu'on avait cartographiés pour eux, il leur restait à poser leur Aigle dans la Mer (!), sur la Base de la Tranquillité...